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Recruteur piégeur, questions guet-apens, opération de déstabilisation : l’entretien d’embauche est-il vraiment ce traquenard décrit sur le Net ?
Tapez « entretien de recrutement » dans un moteur de recherche et vous lirez immanquablement des résultats qui vont dans deux directions : la première vous indique à quelles questions vous devez vous tenir prêt, avec quelle réponse parfaite. La seconde vous livre des secrets pour déjouer lesdites questions, estampillées « pièges ».
Le recruteur destinerait donc ses entretiens d’embauche… à éliminer. Autrement dit, il ne chercherait nullement à mettre en phase un profil et une situation d’entreprise, il évincerait.
Ce mythe décalé de la réalité, les candidats s’y habituent sans le savoir. On leur décrit l’entretien de recrutement comme le théâtre privilégié de la mise à l’épreuve anxiogène. Les récits sont viraux : joute verbale qui teste la répartie, chat implacable et souris tributaire de son bon vouloir, recruteur faux gentil assis à côté du faux méchant. Sans compter les désastreuses incitations au « Vendez vous » !
Le résultat est contre-productif. D’un côté, ceux qui postulent sont en excès de stress. Ils ont tendance à débiter des récitations « parfaites » qui sont aussi personnelles que le tube du moment. De l’autre côté, ceux qui souhaitent recruter sont en difficulté pour découvrir une individualité. Retirer le vernis est parfois usant, souvent énergivore, fréquemment frustrant.
Bref, la relation se fausse alors qu’elle devrait être au cœur de ce moment partagé.
Pour l’entreprise comme pour le candidat, la première étape de sélection aura permis de se faire une idée, tout en soulevant des points de curiosité. Ce que vise ensuite l’entretien, ce sont précisément les éclairages. Nécessairement, il faut que la rencontre humaine se fasse. Chacun doit pouvoir se projeter et se demander, en toute conscience, si oui ou non, il a envie de cette collaboration.
En ce sens, l’entretien d’embauche est un échantillon, une version à la fois miniaturisée et intensifiée de la future relation. C’est dans ce but que le recruteur est amené à articuler la conversation pour qu’elle permette à chacun d’exprimer ses réponses, de la façon la plus représentative.
En résumé, ce qu’il cherche, c’est :
Les chroniques du recrutement ont tendance à jouer l’attraction, en communiquant sur des épiphénomènes. Si le « Quels sont les 3 objets que vous emporteriez sur une île déserte », ou encore le « Combien de fois par jour les aiguilles d’une montre se chevauchent-elles » ont ponctuellement fait tache d’huile, même Google a de longue date abandonné ce genre de pratiques.
Lorsqu’un échange s’installe de façon équilibrée, très peu de questions types sont formulées. Une interaction se met en place, avec, de part et d’autre, des phrases de relance, d’approfondissement, d’éclaircissement, avec des réponses moins formatées.
Le fameux « Parlez-moi de vous », malheureusement classé au rang des questions pièges, n’est ni plus ni moins qu’une occasion donnée de se présenter soi-même, hors CV.
Mais alors, qu’est-ce qui peut générer cette sensation de piège ?
Les incohérences, ou le manque de réflexion personnelle qui font que les contradictions ne ressortent qu’au moment de l’entretien, sous l’effet d’une question ; la réponse déstabilisée, alors qu’on aurait voulu dire mieux, ou autrement. La confusion, entre s’être senti coincé et avoir été sciemment piégé.
L’entretien d’embauche est une étape inconfortable parce qu’il est relié à notre désir, à nos enjeux et à la crainte de les voir inaccomplis. De façon surprenante, candidat et recruteur partagent cette problématique : l’un souhaite le poste, l’autre est en demeure de résoudre l’absence de poste pourvu. Dans ce contexte, s’en souvenir, c’est déjà, sans doute, se détendre pour mieux éviter les biais cognitifs qui perturbent les échanges. Et appréhender plus sereinement ce temps de conversation professionnelle.
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